J’arrive au Sénégal en décembre 2005 avec la ferme idée de me marier. Je sors de l’aéroport le soleil plein les yeux. Tout de suite je distingue au premier rang mon futur mari et son petit frère. Je cours à leur rencontre. Le taxi nous amène à Ngor où Khadim a loué une chambre pour la durée de mon séjour, soit 1 mois. Comme je suis fatiguée, nous passons la journée à la maison de Collé et nous nous prélassons devant le ventilo.
Le lendemain, nous commençons les préparatifs pour le mariage. Nous avons décidé de nous marier à la mairie de Grand Dakar pour l’aspect civil et Khadim me dit que le professeur Alfadat a accepté de nous marier . Le professeur Alfadat est un islamologue qui interprète le Coran à la télé en soirée et il fait également de la radio. Nous partons à sa rencontre. Il nous dit qu’il ne pourra pas nous marier aujourd’hui puisque la position de la lune n’est pas favorable à un mariage heureux. En attendant, il nous donne 2 sachets d’eau. Il dit qu’il a prié sur les sachets et a postillonné dedans, des nians comme on appelle. Il dit que nous devons nous laver avec le contenu des sachets afin de nous libérer des mauvaises ondes. Il nous demande 13 500 FCFA pour les sachets et la consultation. Il nous dit de revenir dans 3 jours, car la lune aura bougé. Nous rentrons à Ngor et nous cherchons un endroit pour faire nos bains magiques.
3 jours plus tard, nous retournons chez le professeur Alfadat. Il nous annonce d’emblée que la lune n’a pas assez changé. Nous sommes dans la transition vers la position lunaire du mariage heureux. Il mentionne qu’il ne sait pas si il pourra nous marier avant mon départ, car il est pas certain que la lune aura atteint la position parfaite. Je suis dans le très déçue. Il mentionne qu’il pourra toujours nous marier, sans moi, après mon départ. Je dis au professeur qu’il n’est pas question que je sois absente à mon propre mariage, ça ne fait pas de sens! Alfadat nous dit avoir préparé quelque chose pour nous. Il revient avec 2 sachets d’eau à saveur de postillons et nous demande 13 500 FCFA. Il nous dit que nous devons nous laver comme la dernière fois et de revenir dans 3 jours.
Une fois dans le taxi je regarde Khadim. Je lui dit directement: nous ne retournons pas là bas. Il se fout de notre gueule. Comme je suis blanche, il pense que je peux payer ad vitam eternam. On dirait que la lune ne sera jamais bien placée. J’ajoute: j’en ai assez de payer 13 500 FCFA pour des sacs d’eau!! Cette phrase deviendra un running gag entre amis pendant longtemps. Khadim et moi rigolons de bon coeur de la situation. Notre mariage civil est prévu pour le 22 décembre. Nous trouverons un Imam pour nous marier religieusement après le passage à la mairie.
Nous sommes le 22 décembre. Comme d’habitude, il fait beau et chaud. Nous nous marions à 16h à la marie de Grand Dakar. Ma belle-famille sera présente. Je remarque que Khadim est un peu à côté de ses pompes. Il m’explique être vraiment stressé, que c’est un événement important et il souhaite que tout aille bien. Vers 15h, nous quittons en taxi pour se rendre à la mairie. Le taxi est complètement cabossé. À l’intérieur, les sièges sont déchirés et la mousse sort de partout. J’avais envisagé mieux comme transport pour aller me marier. Arrivés à destination, ma belle-mère est là avec le reste de la famille. On nous fait asseoir devant un petit bureau et ma belle-famille est sur des chaises en arrière. L’officier Alpha Yaya Diakhaté se présente. Il dit que nous sommes très jeunes et qu’il hésitait à nous marier. Mais comme ma belle-mère est présente et donne son accord, nous procédons au mariage. Et vient la fameuse question: monogame ou polygame? Il me semble que le temps de réflexion de Khadim est tellement long. Il finit par dire à mon grand soulagement: monogame. Ce qui m’a le plus marquée de l’office de mon mariage c’est le conseil donné par monsieur Diakhaté. Il m’a dit ceci: si un jour vous avez des problèmes avec mari, parlez-en avec votre belle-mère, elle sera la meilleure pour vous conseiller. Je me rappelle que j’avais trouvé cela tellement bien et vrai. Et ma belle-mère, la toute puissante Ndeye Ngoné, avait le contrôle quasi total sur tout le monde de la maison. Le mariage se termine avec un petit bisou timide et l’échange des alliances. Nous reprenons un taxi. Celui-ci n’est pas plus en forme que l’autre. Je me dis dans ma tête: Mon dieu, il manque juste les canettes qui traînent derrière! On rentre à Ngor dans l’inconfort le plus total. Après avoir mangé, nous décidons d’aller nous balader. Nous partons vers la plage et nous marchons pour aller sur les roches du côté Lébous (ethnie du Sénégal). Assis sur les rochers, nous regardons au large de l’Océan Atlantique. Après un moment, mon nouveau mari m’indique qu’il a mal à la tête et me demande de rentrer. On s’installe pour se lever, mais une femme est accroupie derrière nous et elle fait ses besoins directement dans les roches. On attends qu’elle termine pour partir. À ce jour, je me demande encore si elle s’est essuyée! Nous rentrons chez Collé. À peine arrivée dans la chambre, Khadim se couche en raison de ses maux de tête et il s’endort rapidement. Je n’ai pas besoin de vous dire que c’est pas la nuit de noces à laquelle je m’attendais!! Mais bon, il n’y a pas de soucis, puisqu’on est mariés pour la vie. Je finis par m’endormir aussi. Demain nous chercherons l’Imam qui nous unira religieusement.
À suivre…